« L’humilité est le secret de la sainteté »

Auferte gentem perfidam credentium de finibus, ut unus omnes unicum ovile nos Pater regat.

Chassez le peuple impie des territoires de la foi, afin que nous devenions un seul troupeau sous la houlette d’un seul pasteur. [Hymne Placare Christe Servulis, Raban Maur IX° siècle]

La fête de la Toussaint est une solennité particulière, dans laquelle nous célébrons ceux qui nous ont précédés dans la Jérusalem céleste avec le signe de la Foi. Vidi turbam magnam, quam dinumerare nemo poterat, dit saint Jean dans le livre de l’Apocalypse (Ap 7, 9). Il nous raconte la vision de l’immense armée des Saints, ex omnibus gentibus, et tribubus, et linguis, revêtus du vêtement blanc de la Grâce, adorant la Majesté de Dieu avec la myriade d’Anges, les Vieillards et les quatre créatures ailées. Cette scène apocalyptique, terrible comme est tremendum le lieu où le Seigneur siège, le Dieu des armées rangées en bataille, était souvent représentée dans le bassin de l’abside des anciennes églises, non seulement pour nous rappeler le privilège d’être comptés dans le nombre des signati, mais aussi pour nous avertir du malheur d’en être exclus pour l’éternité. En se tournant vers l’ouest liturgique – qui se trouvait alors en direction du portail principal – pour saluer le Christus Oriens qui revient dans la gloire, les fidèles pouvaient contempler la scène du Jugement dernier, dans laquelle le Christ en majesté accueille les élus dans la gloire du Paradis et condamne les réprouvés aux feux de l’enfer. Les Anges accueillent les âmes saintes dans la lumière céleste, tandis que les démons monstrueux entraînent les damnés dans le feu inextinguible. C’étaient des images brutes et vraies qui étaient destinées à éveiller chez ceux qui les regardaient la sainte crainte de Dieu et de son châtiment, mais en même temps elles encourageaient ceux qui vivaient quotidiennement en sa présence et cherchaient à se sanctifier.

Aujourd’hui, les visions de l’enfer sont associées aux rituels païens d’Halloween, au cours desquels l’horreur, la monstruosité, la mort deviennent des choses dont on se moque, qui peuvent même être alléchantes, recherchées et préférées à l’ennuyeuse beauté, à la vie. Et ce qui aujourd’hui s’insinue dans notre société comme une plaisanterie, nous habitue en fait à tout ce qui caractérise le royaume de Satan.

Voici donc les deux cités : la civitas Dei, la Jérusalem céleste, avec la myriade de saints en adoration de la Très Sainte Trinité, et la civitas diaboli, la Babel infernale en adoration d’elle-même. Et de même qu’aujourd’hui nous honorons tous les Saints de tous les temps et de toutes les parties du monde qui sont passés dans l’éternité, de même nous devons penser à ceux qui, ici et maintenant, livrent leur combat quotidien dans la fidélité au Seigneur, et que saint Paul appelle également saints. La détermination de ces âmes bonnes et généreuses se nourrit de l’exemple de nos compagnons d’armes, qui nous ont précédés et qui intercèdent aujourd’hui pour leurs amis de la terre et pour ceux du Purgatoire.

Aujourd’hui, nous célébrons la Communion des Saints, ce Mystère consolant de notre sainte Religion, pour lequel il y a une communication réciproque de Grâces entre les membres du Corps mystique, comme dans un système circulatoire spirituel qui irrigue et nourrit tous les organes avec le même sang. Grâce à cette Communion des Saints, chacune de nos prières, chaque bonne action, chaque pénitence, chaque jeûne constitue un trésor plus ou moins substantiel que nous pouvons rendre au Seigneur, en réparation de nos péchés, pour ceux d’autres vivants ou comme suffrage pour les morts. Demain, à l’occasion de la Commémoration des fidèles défunts, nous accomplirons notre profession de foi dans la Communion des Saints en consacrant les prières officielles et solennelles de l’Église pour le suffrage de nos défunts, afin qu’ils puissent rejoindre nos amis au Paradis pour jouir de la vision béatifique. Et eux, du Paradis, prient pour nous sur la terre et pour eux dans le Purgatoire. Et au Purgatoire, ils prient pour nous. Une Communion de grâces qui participe au trésor incommensurable des mérites infinis de Notre-Seigneur Jésus-Christ, acquis par Son Sacrifice rédempteur.

Et nous tous, dans la multiplicité des nations, des cultures et des langues, nous avons reçu du Seigneur le vêtement de la Grâce avec lequel nous présenter aux Noces de l’Agneau. Considérons quel privilège nous a été accordé, sans aucun mérite de notre part, ce que doit être notre gratitude envers le Seigneur, et comment elle doit se traduire par une cohérence de vie et un témoignage quotidien de Foi. Et si nous avons souillé ce vêtement par le péché, souvenons-nous que nous ne savons pas quand nous serons appelés à nous présenter devant Notre-Seigneur : demandons donc à la Vierge Marie de nous accorder la grâce d’une sainte mort et la consolation d’un prêtre ; et ne différons pas la Confession si nous nous trouvons dans un état de péché grave.

Cette fête, au cours de laquelle nous célébrons nos amis et nos frères qui ont suivi le Christ comme leur Dieu, Seigneur et Roi, ne peut manquer de nous inciter tous à un examen de conscience sincère. Nous ne devons pas nous limiter à éviter le péché : nous sommes appelés à faire fructifier les talents, à semer la semence dans la terre fertile, à jeter les filets sur l’ordre du Seigneur. En bref, nous sommes appelés à la sequela Christi, à la imitatio Christi, à Le suivre et à L’imiter, sachant qu’un disciple n’est pas supérieur au maître, ni un serviteur supérieur à son maître (Mt 10, 24). C’est ce qu’ont fait tous ceux qui, au cours des siècles, ont participé à la sainte compétition, ont atteint la ligne d’arrivée et ont gardé leur Foi (2 Tm 4, 7), selon la comparaison de saint Paul. Éviter de vivre en état de péché mortel nous sauvera de la damnation, mais cela ne nous épargnera pas les tourments du Purgatoire, et ce seront les tourments les plus terribles, parce qu’ils devront nous purifier de notre médiocrité, de notre paresse, de notre ingratitude envers le Seigneur que nous repayons, sinon par l’offense du péché, certainement par l’indifférence d’une vie amorphe et indigne de ceux qui ont mérité d’être rachetés par le Fils de Dieu incarné.

Il y a une autre raison pour laquelle nous devons être saints : chaque âme qui atteint le salut et qui va au Ciel est une pierre précieuse sertie sur la couronne royale du Christ. Au contraire, chaque âme qui se damne et va en enfer est le maudit butin de guerre que Satan vole au cours des batailles, même si le sort de la guerre est déjà décidé et que la victoire du Christ Roi et de Marie Reine est décrétée de toute éternité. Notre devoir, notre engagement d’honneur en tant que Soldats du Christ et Chevaliers de la Sainte Vierge doit être leur gloire, moyennant notre salut et celui de nos frères et sœurs. Un salut qui s’accomplit par la Grâce, certes, mais dont nous pouvons nous faire des instruments dociles. Pourrions-nous refuser d’entrer en campagne et préférer servir à l’arrière, alors que nous ont été donnés une armure brillante, le casque de salut, l’épée de la Parole ? Comment pourra-t-Il être fier de nous, Père céleste, en nous voyant incapables de faire bon usage des dons surabondants qu’Il nous a élargis ?

Beaucoup d’entre nous, en raison aussi d’une conscience réaliste de ses propres fautes, sont tentés de considérer la sainteté comme un but inatteignable, que seuls quelques-uns peuvent atteindre concrètement. Et c’est une grave erreur. Le Seigneur ne nous trompe pas avec de fausses promesses d’un avenir de béatitude dans l’au-delà, qui devrait nous conduire à endurer les maux présents en vue d’hypothétiques biens à venir. Le Seigneur ne joue pas avec les âmes, surtout après les avoir rachetées en souffrant et en mourant pour chacun de nous. D’autre part, Il ne nous trompe pas en nous donnant des préceptes que personne ne respecte, pour ensuite admettre tout le monde au Paradis, quelle que soit la façon dont ils se sont comportés ou la foi qu’ils ont professée. Ce sont là les manières d’agir du diable qui, avec la fausse promesse de plaisirs illusoires et de biens passagers, nous pousse à désobéir à Dieu, à être indulgents avec nos défauts, à excuser nos péchés, à regarder les fautes des autres afin de diminuer les nôtres. Le Seigneur agit en tant que Père et en tant que Père Tout-Puissant. Il nous montre un but que nous ne pourrions même pas espérer par nos propres moyens, mais qu’avec l’aide surnaturelle de Sa Grâce nous pouvons réellement atteindre, si seulement nous avons la Foi en Lui et la Charité qui nous fait L’aimer par-dessus toutes choses : par-dessus nous-mêmes, les attraits du monde, les plaisirs de la chair, les séductions de l’orgueil, le pouvoir et l’argent, les offres frauduleuses du diable.

Nous ne sommes capables de rien, sinon de causer des dommages. Cependant, avec toutes nos infirmités et infidélités, nous avons mérité un Sauveur qui a expié pour nous tous nos péchés, qui a annulé le chirographe de mort signé par nos Premiers Parents, et nous a réconciliés avec le Père par Son Sacrifice. Nous devons seulement avoir l’humilité de nous reconnaître indignes de la Miséricorde de Dieu, et reconnaissants pour les dons incommensurables qu’Il nous a accordés pour nous rendre saints. Seules l’humilité et le détachement des biens terrestres nous permettent d’être saints, car l’humilité est la clé qui ouvre la porte du Ciel, tout comme l’orgueil est la chaîne qui nous emprisonne en enfer. Humilité, donc. Une humilité qui n’est pas affectée, pas de façade, pas ostentatoire, mais une humilité vraie, fondée sur la conscience de notre néant et sur l’infinité du Tout qui nous vient de Dieu et de Lui seul.

Et puisque l’humilité est le secret de la sainteté, regardons Celle qui, plus que toute autre créature, bien que préservée du péché grâce à l’Immaculée Conception, nous a donné un modèle d’humilité et d’abandon à la volonté de Dieu. Fiat mihi secundum verbum tuum : qu’il me soit fait selon votre parole. C’est Elle, que la sainte Église célèbre avec le culte très spécial de l’hyperdulie, qui nous montre les grandes choses que le Seigneur fait quand nous sommes dociles à Sa volonté. C’est vers elle, ancilla Domini, que nous devons nous tourner comme vers notre guide, l’Étoile du Matin, pour marcher dans cette vallée de larmes et atteindre notre patrie céleste. Et ce sera elle, au moment de la lutte finale, qui nous conduira devant son Fils, plaidant notre cause comme notre Avocate.

Cherchons donc la sainteté, non pas comme une chimère trompeuse, mais comme une réalité à laquelle nous sommes appelés, un destin de gloire éternelle, une promesse d’accomplissement signée du Sang de l’Agneau dans la puissance de l’Esprit Saint. Qu’il en soit ainsi.

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque,

1er novembre 2023,  Omnium Sanctorum

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

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