Albert Laurent collabore régulièrement à Fideliter, la revue de la Fraternité St Pie X en France. Il nous communique l’article suivant.

Le dimanche 7 mai dernier, sept prêtres doyens du district de France de la Fraternité St Pie X ont pris publiquement position contre le dernier texte du Vatican relatif aux mariages célébrés dans la Tradition catholique. Leur déclaration lue en chaire a fait grand bruit, surtout dans ses conséquences immédiates. Les prêtres en question ont effectivement été suspendus de leur charge de doyen et l’abbé Patrick de la Roque, considéré comme l’instigateur de cette action, a été démis de ses fonctions de « curé » de St Nicolas du Chardonnet. Comme chacun sait, cette affaire intervient dans un contexte de rapprochement entre Rome et la Fraternité. Comment faut-il l’analyser ?

De qui s’agit-il ?

Au sein de la société religieuse fondée par Mgr Lefebvre, l’apostolat des prêtres est organisé à partir d’un prieuré. Un doyen est un prieur d’expérience, référent au sein d’une région elle-même partie d’un ensemble plus vaste appelé district (ou pays). Le district de France comprend ainsi dix doyennés. La déclaration a donc été souscrite par sept doyens sur dix. En outre, l’ensemble des communautés religieuses traditionnelles, branches masculines, présentes en France (bénédictins de Bellaigue, capucins de Morgon et Fraternité de la Transfiguration) ont signé le document. La déclaration est donc revêtue d’une autorité morale indéniable. Il serait imprudent de la balayer d’un revers de main, en réduisant l’initiative à « quelques prêtres du District de France » (« A propos d’une lettre de quelques prêtres aux fidèles du District de France », 11 mai 2017, publié sur le site d’actualités officiel de la Maison générale de la FSSPX). Par ailleurs, ces prêtres sont réputés en France pour leur sérieux, leur zèle pastoral, leur solidité doctrinale et spirituelle. Ils sont unanimement reconnus, respectés et aimés des fidèles.

Ces prêtres ont-ils agi sans en référer à leur hiérarchie ? C’est le reproche formulé dans l’article précité : « quelques prêtres ont imprudemment lu en chaire et diffusé une Lettre adressée aux fidèles, sans en aviser le Supérieur de District, mettant en cause la direction de la Fraternité Saint-Pie X » Cette affirmation est manifestement fausse. Depuis des semaines, ces prêtres ont alerté leurs supérieurs sur les problèmes posés par le texte romain sur les mariages et, de façon plus générale, sur les dangers d’un ralliement de la Fraternité à Rome sous la forme canonique d’une prélature personnelle. Mais face à l’inertie devant laquelle ils se trouvaient, les prêtres doyens ont pris leur responsabilité. L’abbé de la Rocque devait rencontrer le supérieur du District de France le mercredi 3 mai pour lui faire part du texte de la déclaration. Il a été reçu finalement le vendredi 5 mai, donc avant la publication réalisée le dimanche suivant, comme l’abbé Bouchacourt vient d’ailleurs de le reconnaître au journal Présent daté hier. D’autre part, une lecture attentive et loyale du texte des doyens ne permet pas d’identifier de mots ou d’expressions qui remettraient en cause de l’autorité générale de la Fraternité.

De quoi s’agit-il ?

Venons maintenant au fond du sujet soulevé par la lettre. Derrière une bienveillance apparente, le texte romain du 27 mars 2017 présente en fait une forme concrète de ralliement dans un domaine précis, celui du mariage. Jusqu’à présent, devant l’impossibilité de recourir aux curés de paroisse officielle pour cause de modernisme, les fidèles de la Tradition étaient mariés sous la forme extraordinaire, parfaitement prévue dans le droit canon de l’Eglise. Le texte romain remet l’évêque diocésain au cœur du dispositif. Celui-ci pourra donner totalement délégation aux prêtres de la Fraternité pour recevoir les consentements des époux, « en cas d’impossibilité ou lorsqu’il n’existe pas de prêtre du diocèse qui puisse recevoir le consentement des parties ». Mais le type d’impossibilité n’est pas précisé et, surtout, il s’agit d’une simple faculté accordée à l’évêque. Il pourra donc très bien ne pas exercer cette faculté et imposer aux époux le prêtre diocésain de son choix. On voit bien les situations difficiles qui pourront se présenter. Que se passera-t-il si l’évêque ne donne pas sa délégation ? Le mariage sera-t-il considéré comme valide si les fidèles de la Fraternité passent outre ?

De façon plus générale, accepter de soumettre nos mariages à la juridiction ordinaire, c’est accepter de se soumettre aux tribunaux ecclésiastiques qui jugent ces questions. Or ces tribunaux ont une conception erronée du mariage, issue de Vatican II, qui assure la primauté de la fin seconde (bien-être personnel des époux) sur la fin première (génération et éducation des enfants). De fait, ces tribunaux déclarent nuls des mariages certainement valides, chose encore aggravée par la récente procédure simplifiée du pape François.

Autre lacune du texte : le texte romain ne tranche pas la validité des mariages traditionnalistes célébrés avant ces nouvelles dispositions. C’est une grande injustice qui aurait pu être réparée et qui demeure.

En conclusion, le texte de la commission Ecclesia Dei, bien qu’ayant reçu dans ses grandes lignes l’aval de la Maison générale de la Fraternité Saint Pie X (« pour que ces dispositions romaines en faveur des mariages dans la Tradition puissent être reçues sans doute ni ambiguïté par tous les prêtres… ») présente une logique propre qui est de celle du ralliement aux autorités conciliaires et en cela, ne peut être accepté. Car derrière cette question juridique du mariage se trouve une question de fond : peut-on se placer délibérément  sous une autorité moderniste sans mettre en danger son âme ?

Par leur action courageuse, ces prêtres, nos prêtres, ont dénoncé le piège romain. Se faisant, ils ont sauvegardé l’essence du combat de la Tradition. Honneur et soutien à eux.

Albert Laurent

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