Suite au document romain concernant les mariages dans la FSSPX, nous avions veillé à éclairer nos lecteurs tant sur la portée réelle de ce texte que sur l’aspect pour le moins ambigu du commentaire publié par la Maison Générale de la FSSPX.
Aujourd’hui, dans une lettre signée de sept doyens du district de France de la FSSPX ainsi que par l’ensemble des supérieurs des communautés masculines amies de la FSSPX, ceux-ci rappellent ce qu’est le droit des fidèles en ce domaine et la véritable nature de l’état de nécessité qui existe toujours aujourd’hui. Ainsi, la juridiction de suppléance est rappelé avec force. Ce texte a été publié dans le Chardonnet de ce mois et lu dans un grand nombre des chapelles de la FSSPX en France.
Nous remercions profondément nos bons prêtres de cette prise de parole publique qui défend la justesse de la position de Mgr Lefebvre dans cette crise de l’Eglise, tant la confusion liée à la volonté de certains de rallier la Rome moderniste sème le trouble partout.
Christian LASSALE
Texte de la lettre
Bien chers fidèles,
Le 4 avril dernier, la commission pontificale Ecclesia Dei rendait publique une lettre de son président, le cardinal Müller, relative aux mariages célébrés par les prêtres de la FSSPX. Explicitement approuvé par le pape qui en a ordonné la publication, ce document entend régir les mariages célébrés dans le cadre de la Tradition catholique.
Suite à cette lettre, une vaste campagne de communication, émanant d’horizons très différents, veut laisser croire que par ce geste, le pape reconnaît purement et simplement les mariages que nous célébrons, voire reconnaît la validité de tous les mariages que nous avons pu célébrer jusque-là. La réalité est, hélas, bien différente.
Parce que cette question vous touche au plus près, qu’elle concerne votre foyer, vos enfants en âge de contracter mariage, votre avenir, nous nous devons de vous éclairer tant sur la portée réelle de ce document romain que sur notre attitude.
[L’évidente validité de nos mariages]
Vous le savez, depuis quarante ans maintenant, les autorités romaines refusent de reconnaître la validité des mariages que nous célébrons, et ce malgré le droit de l’Eglise.
Certes, ce droit prévoit que le sacrement de mariage soit célébré devant le curé de paroisse ou son délégué, ainsi que devant au moins deux témoins[1]. C’est ce qu’on appelle la forme canonique du mariage, nécessaire à sa validité. Or les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X n’étant ni curés de paroisse ni délégués par eux, certains soutiennent que les mariages qu’ils célèbrent sont invalides, par défaut de forme canonique. Sous ce motif, les tribunaux tant romains que diocésains n’hésitent pas à déclarer nuls ces mariages. Ce faisant, ils s’opposent pourtant au droit le plus fondamental de l’Eglise[2].
En effet, ce même droit canon[3] prévoit le cas où « il n’est pas possible d’avoir ou d’aller trouver sans grave inconvénient un assistant compétent selon le droit ». Si une telle situation était prévue durer trente jours, alors la loi ecclésiastique reconnaît aux futurs le droit d’échanger validement et licitement leurs consentements devant les seuls témoins laïcs ; sans curé de paroisse donc, ni de prêtre délégué par lui. Cependant, pour la licéité de l’acte, ces futurs mariés doivent faire appel si c’est possible à n’importe quel prêtre. Un mariage ainsi célébré l’est selon la forme appelée extraordinaire. C’est sous cette forme que, depuis quarante ans, nous recevons validement et licitement l’échange de vos consentements, sans qu’aucun doute soit possible.
[L’état de nécessité]
Car vous le savez, il n’existe hélas aucun doute sur la situation extraordinairement dramatique que traverse l’Église[4]. Celle-ci subit toujours plus aujourd’hui ce que Mgr Lefebvre appelait “le coup de maître de Satan” : « Diffuser les principes révolutionnaires par l’autorité de l’Eglise elle-même.[5] » Nous voyons en effet les autorités de l’Eglise, depuis le siège de Pierre jusqu’au curé de paroisse, porter directement atteinte à la foi catholique par un humanisme dévoyé qui, plaçant au pinacle le culte de la conscience, détrône d’autant Notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi, la royauté du Christ sur les sociétés humaines est simplement ignorée, voire combattue, et l’Eglise est saisie par cet esprit libéral qui se manifeste spécialement dans la liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégialité. A travers cet esprit, c’est la nature même de la Rédemption réalisée par le Christ qui est remise en cause, c’est l’Eglise catholique, unique arche du salut, qui est niée dans les faits. La morale catholique elle-même, déjà ébranlée dans ses fondements, est renversée par le pape François, par exemple lorsque celui-ci ouvre explicitement la voie à la communion des divorcés « remariés » vivant maritalement.
Cette attitude dramatique des autorités ecclésiales entraine sans aucun doute un état de nécessité pour le fidèle. En effet, il y a non seulement grave inconvénient, mais encore réel danger à remettre son salut entre les mains de pasteurs imbus de cet esprit « adultère[6] », délétère tant pour la foi que pour la morale. Nous n’avons d’autre choix que de nous protéger d’une telle autorité, parce qu’elle « est dans une situation d’incohérence et de contradiction permanente » et que, « tant que cette équivoque ne sera pas dissipée, les désastres se multiplieront dans l’Eglise.[7] » Nous vivons ces circonstances où la véritable obéissance réclame de désobéir[8], car « il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5, 29).
Aussi longtemps que cette équivoque des autorités ecclésiales ne sera pas dissipée, persistera également le grave inconvénient prévu par le canon 1098, et sera donc justifiée la célébration de mariages selon la forme extraordinaire.
De plus, le mariage impliquant comme tout sacrement une profession de foi, on ne peut contrer le droit des fidèles aux sacrements en leur imposant un ministre qui oriente habituellement son ministère dans la direction adultère officialisée à Vatican II, alors qu’ils ont la possibilité d’en référer à un prêtre indemne de cette prévarication de la foi.
[La portée du document romain]
A la lumière de ces principes apparaît la portée réelle du document romain. Persistant dans la ligne désastreuse de Vatican II, les autorités romaines prétendent tout simplement vous priver de la forme extraordinaire du mariage, par négation de l’état de nécessité. Ce document veut donc vous obliger à recourir pour votre mariage à un prêtre diocésain, ne laissant aux prêtres de la FSSPX que la possibilité de célébrer la messe qui suit. La Commission Ecclesia Dei prévoit en effet que, « dans la mesure du possible, la délégation de l’Ordinaire pour assister au mariage [des fidèles de la FSSPX] sera donnée à un prêtre du diocèse (ou du moins à un prêtre pleinement régulier) pour qu’il reçoive le consentement des parties […] ; suivra alors la célébration de la Sainte Messe votive par un prêtre de la Fraternité. »
C’est seulement « en cas d’impossibilité ou s’il n’existe pas de prêtre du diocèse qui puisse recevoir le consentement des parties, [que] l’Ordinaire peut concéder directement les facultés nécessaires au prêtre de la Fraternité. » Autrement dit, c’est seulement et seulement si il existe un cas de nécessité – dont on ignore la nature, puisqu’il ne s’agit plus du grave dommage que l’esprit libéral cause à la foi catholique – que l’évêque pourra donner délégation à un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X. Tout autre mariage célébré par un prêtre de la FSSPX sans délégation explicite de l’Ordinaire continuera à être considéré invalide par les actuels détenteurs de l’autorité suprême.
Outre qu’une telle décision est aussi injuste que nulle, elle fait une nouvelle entorse à l’esprit du droit. La commission Ecclesia Dei s’y permet en effet ce que même le nouveau code de droit canonique s’était interdit, à savoir mettre sous la coupe de l’Ordinaire la forme extraordinaire du mariage, et ce au dépend du droit naturel au mariage[9].
[Nos mariages, très certainement valides hier, aujourd’hui et demain]
Aussi, tant que durera cet état dramatique de l’Eglise et l’équivoque destructrice dans laquelle vivent les plus hautes autorités de l’Église, nous continuerons pour notre part à user de la forme extraordinaire du mariage, sans la laisser indûment régenter par l’Ordinaire.
Nous continuerons donc à célébrer validement et licitement vos mariages dans nos églises et chapelles, comme nous l’avons toujours fait jusque-là, nous en référant pour cela aux canons 1098 de l’ancien code et 1116 du nouveau, indépendamment de toute entente préalable avec l’Ordinaire.
A ceux qui objecteraient qu’une telle pratique serait désormais invalide puisque les autorités ecclésiastiques offrent une possible délégation de l’Ordinaire, nous leur répondrons que l’état de nécessité qui légitime notre façon de faire n’est pas canonique mais dogmatique, que l’impossibilité de recourir aux autorités en place n’est pas physique mais morale. Nous ne voulons tout simplement pas abandonner les âmes qui, acculées par les circonstances, se confient à notre ministère. Elles n’ont pas fui des autorités prévaricatrices pour qu’on les leur impose au cours d’une des cérémonies les plus importantes de leur vie. Par ailleurs ceux qui nous font une telle objection montrent qu’ils connaissent bien peu le droit de l’Eglise, lequel raisonne inversement. Celui-ci permet en effet à des fidèles de se placer volontairement dans le cas de nécessité pour contracter validement et licitement un mariage selon la forme extraordinaire, quand bien même ils auraient la possibilité de faire autrement[10].
Dans le cas où certains fidèles obtiendraient d’un curé la possibilité de voir leur mariage célébré dans son église paroissiale, nous nous en tiendrons à nos sages coutumes établies par le temps. Dans la mesure où ce curé serait habituellement bien disposé vis-à-vis de la Tradition de l’Église et nous laisserait le soin de la prédication, nous ne verrions pas d’objection à ce que celui-ci reçoive les consentements selon le rituel traditionnel, tout en laissant à un prêtre de notre Fraternité la célébration de la messe[11]. Mais nous refuserons cette célébration de la messe si, délégation devant être donnée, celle-ci nous était refusée, au profit par exemple d’un prêtre Ecclesia Dei.
Pour le bien du sacrement de mariage, pour le bien de vos foyers, pour le bien de vos âmes, nous n’entendons pas non plus soumettre la cause de vos mariages à une juridiction ecclésiastique dont les tribunaux déclarent nuls des mariages certainement valides, sous le faux prétexte du manque de maturité psychologique des contractants. Nous savons en outre combien ces mêmes tribunaux entérinent de fait le divorce catholique par le biais de la procédure simplifiée de nullité de mariage promulguée par le pape François. C’est pourquoi nous continuerons à ne reconnaître comme ultime juge de ces questions que la commission Saint Charles Borromée, que la Fraternité Saint Pie X a dû établir précisément en raison de ces déclarations de nullité certainement invalides.
[Conclusion]
Enfin, qu’il nous soit permis d’exprimer notre grand étonnement au sujet de cette décision romaine et de l’écho qu’elle a reçu. La prélature personnelle que l’on fait miroiter à la Fraternité Saint-Pie X était censée nous reconnaître tels que nous sommes, et nous garder dans l’indépendance à l’endroit des Ordinaires du lieu. Or les premières décisions prises consistent à soumettre injustement nos mariages à ces Ordinaires, avant de conditionner demain l’ouverture de nos nouvelles Maisons à leur approbation. C’est dire combien la duplicité de langage ne règne pas seulement dans le domaine de la foi et de la morale, mais encore dans ces questions canoniques.
Aussi, en cette année centenaire des apparitions de Fatima, nous invoquons le Cœur Immaculé de Marie non pas pour qu’Elle mette fin à notre situation canonique jugée irrégulière par certains, mais afin que l’Église soit libérée de son occupation moderniste et que ses plus hautes autorités retrouvent le chemin suivi par l’Église jusqu’à Vatican II. C’est alors que nos évêques pourront remettre leur épiscopat entre les mains du Souverain Pontife[12].
Le 7 mai 2017,
Abbé David ALDALUR, Doyen du doyenné de Bordeaux
Abbé Xavier BEAUVAIS, Doyen du doyenné de Marseille
Abbé François-Xavier CAMPER, Doyen du doyenné de Lyon
Abbé Bruno FRANCE, Doyen du doyenné de Nantes
Abbé Thierry GAUDRAY, Doyen du doyenné de Lille
Abbé Patrick de LA ROCQUE, Doyen du doyenné de Paris
Abbé Thierry LEGRAND, Doyen du doyenné de Saint-Malo
Ont également cosigné cette lettre :
R.P. JEAN-MARIE, Supérieur de la Fraternité de la Transfiguration
R.P. PLACIDE, Prieur du monastère bénédictin de Bellaigue
R.P. ANTOINE, Gardien du monastère capucin de Morgon
[1] Mgr Lefebvre, Déclaration publique à l’occasion de la consécration épiscopale de plusieurs prêtres de la FSSPX, in Fideliter, hors série des 29 et 30 juin 1988
[2] Ce sont en effet les axiomes fondamentaux du droit qui sont en jeu : La loi suprême est le salut des âmes, et Les sacrements sont pour les hommes bien disposés
[3] Code de 1917, canon 1098 ; Code de 1983, canon 1116
[4] Quand bien même un doute aurait subsisté quant à l’existence de cette situation d’exception autorisant l’usage de la forme extraordinaire du mariage, il faut souligner que, selon le droit, l’Eglise suppléerait au manque de juridiction (Code de 1917, canon 209 ; Code de 1983, canon 144), gardant donc à l’acte toute sa validité.
[5] Mgr Lefebvre, Le coup de maître de Satan, Editions saint Gabriel, 1977, p. 5-6
[6] Mgr Lefebvre, Déclaration publique à l’occasion de la consécration épiscopale de plusieurs prêtres de la FSSPX, in Fideliter, hors série des 29 et 30 juin 1988
[7] Mgr Lefebvre, Le coup de maître de Satan, Editions saint Gabriel, 1977, p. 5-6
[8] Mgr Lefebvre, L’obéissance peut-elle nous obliger à désobéir ?, note du 29/03/1988 in Fideliter, hors série des 29 et 30 juin 1988
[9] Cf. André Sale, La forma straodinaria e il ministro della celebrazione del matrimonio secondo il codice latino e orientale, éditions Pontificia Universita Gregoriana, Rome 2003, pp. 142 à 154 : à la veille du concile Vatican II, plusieurs évêques et cardinaux demandèrent une modification du canon 1098 relatif à la forme extraordinaire du mariage. Pour éviter les abus dans l’usage de cette forme, ils proposèrent qu’elle ne puisse être utilisée sans que les époux aient tenté au moins un recours à l’Ordinaire, et jamais contre l’avis de ce dernier. Aussi, un projet de modification dudit canon fut proposé lors de la 4ème session du concile : « [Forma extraordinaria celebrationis matrimonii] Ad valide contrahendum matrimonium coram solis testibus extra periculum mortis, praeter conditiones praescriptas in can. 1098 CIC, requiritur : a) ut petitio Ordinario loci facienda, si fieri possit, omissa non fuerit, vel matrimonium non celebretur nisi post mensem ab interposita petitione sine responsione ; b) ut matrimonium non celebretur contra ordinarii vetitum (Conc. Vatic. II ; Periodus III, in AS 3, pars 8, 1075) [La forme extraordinaire de la célébration du mariage] Pour contracter validement un mariage en dehors du péril de mort et devant les seuls témoins, et au-delà des conditions prescrites au can. 1098, il est requis : a) que la demande à faire auprès de l’Ordinaire du lieu, n’ait pas été omise, si possible, ou que le mariage ne soit pas célébré avant une durée d’un mois postérieure à l’envoi de la demande et sans avoir obtenu de réponse ; b, que le mariage ne soit pas célébré contre l’interdiction de l’Ordinaire ».. Après une discussion difficile, les pères conciliaires décidèrent majoritairement de laisser la décision entre les mains du Pape et de la Commission pour la révision du droit canonique. Cette Commission aborda plusieurs fois ce point (en 1970, 1975, 1977, 1978 et 1982), mais les discussions furent âpres. Finalement, le canon 1116 du nouveau code reprenait substantiellement le canon 1098, sans y introduire le moindre devoir de recourir à l’ordinaire pour utiliser la forme extraordinaire du mariage. Le motif en était que soit assuré le droit naturel au mariage en toutes circonstances.
[10] Le 13 mars 1910, la Sacrée Congrégation des Sacrements déclare valide le mariage devant les seuls témoins de ceux qui se rendent, pour tourner la loi, dans une région où existe l’impossibilité commune. Cf. Naz, Traité de Droit Canonique in. can. 1098, T. II n° 426 p.377 note 2.
[11] Ce faisant, nous n’entendrions pas pour autant entériner l’injustice manifeste de la nouvelle décision romaine, laquelle rend inapte un prêtre de la Fraternité Saint Pie X à recevoir juridiction d’un curé de paroisse, et frustre ce dernier d’un pouvoir qui lui est pourtant ordinaire.
[12] Mgr Lefebvre, Déclaration publique à l’occasion de la consécration épiscopale de plusieurs prêtres de la FSSPX, in Fideliter, hors série des 29 et 30 juin 1988
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