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Dans un entretien avec la Tribune.fr, Alain Lambert l’un des concepteurs de la LOLF, ancien ministre du Budget entre 2002 et 2004 et auteur de « déficits publics, la démocratie en danger » chez Armand Colin, estime que la mise en application de cette véritable constitution financière a échouée.

La LOLF ?

La Loi Organique relative aux Lois de Finance (LOLF) en travaux depuis 2001 et complètement mise en place depuis 2006 constitue le cadre juridique des lois de finance qui se succèdent annuellement.

La LOLF a remplacé le précédent cadre qui était une ordonnance prise en 1959.

 

Son objectif?

Une culture budgétaire de la performance et de la transparence. A contrario de l’ordonnance de 1959 qui avait une orientation plus orientée sur une logique de moyens, avec la LOLF c’est la logique du résultat qui prévaut.

 

Son fonctionnement?

Le budget est divisé en Missions elles-mêmes subdivisées en Programmes puis en Budget Opérationnels.

Sa particularité est ce qu’on appelle la « fongibilité asymétrique ». C’est à dire la possibilité de pouvoir ré-équilibrer le budget entre les différents Programmes d’une même Mission (fongibilité).Toutefois ce ré-équilibrage ne fonctionne que dans un sens (asymétrique). On peut par exemple, dans une même Mission, basculer des crédits d’un Programme de dépense de personnels vers un Programme classé d’investissement mais en revanche l’inverse est strictement prohibé.

Cet état de fait qui était sensé avoir un effet positif sur le budget par l’encadrement drastique des dépenses de personnels a eu pour effet pervers dans la fonction publique d’obliger à recourir à de pseudo « dépenses d’investissement » pour combler les besoins cruels en main d’oeuvre hautement qualifiée. L’illustration parfaite en est le recours massif et onéreux aux nombreux cabinets de conseils qui s’imposent ou s’implantent au point de devenir indispensables dans de plus en plus de domaines régaliens.

Il peut être aussi intéressant de signaler que les parlementaires bénéficient, avec la LOLF, d’un droit d’amendement élargi sur le budget.

Ils peuvent naturellement proposer par exemple par voie d’amendement une réduction des créditsMais il ne faut néanmoins pas oublier l’article 40 de la Constitution qui frappe d’irrecevabilité « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement (…) lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

 

Plusieurs raisons à cet échec…

Alain Lambert n’épargne personne : « Les élus ont été et demeurent faibles pour résister à un appétit insatiable de leurs mandants pour des dépenses nouvelles. »

Et il n’hésite pas à illustrer: « Un exemple très clair est constitué par les droits universels comme le RSA (revenu de solidarité active) ou l’APA (allocation personnalisée d’autonomie). Ces dispositifs ont certes leur justification mais ne sont encadrés par aucun plafond, ce qui signifie qu’ils peuvent générer une dette ou un hors bilan massifs et donc des prélèvements sur les générations futures. »

Alain Lambert n’hésite pas non plus à dénoncer : « une certaine dérive intellectualiste avec des indicateurs trop nombreux, trop sophistiqués et donc pas assez près du « cul de la vache »« .

Pour lui: « La LOLF a échoué à dépasser les rigidités institutionnelles et à casser les logiques d’organigramme, d’où la génération de programme souvent artificiels, faiblement cohérents et ne constituant pas des outils pédagogiques d’explication de la dépense. »

Enfin, et cela ne surprendra personne dans la haute administration, le père de la LOLF s’en prend sans le nommer à CHORUS le SIFE (Système d’Information Financier de l’Etat) en ne mâchant pas ses mots: « Les systèmes d’information budgétaire et financière n’ont pas suivi avec une information particulièrement lacunaire au niveau de l’exécution budgétaire. »

 

Sa conclusion est limpide et imagée: « la LOLF n’est aujourd’hui qu’une Rolls sur un chemin de terre. »

Quand pour conclure on lui demande ses perspectives pour l’avenir, l’ancien ministre du budget n’est pas optimiste et explique:
« La situation à court terme m’apparaît bloquée. Le recours à différents instruments de communication financière permet pour le moment de masquer l’ampleur des difficultés (…).Il ne faut pas par ailleurs sous-estimer le risque d’isolement stratégique de la France notamment par rapport à ses partenaires européens.(…) Je constate enfin que les pays qui ont remis en ordre leurs finances publiques et notamment leurs dépenses ne l’ont pas fait spontanément mais comme réponse à un choc de leur environnement, à l’instar de la Suède et du Canada. Il ne sera donc pas facile de changer nos pratiques sans un choc se traduisant par une certaine forme d’humiliation ou de remise en cause du sentiment de fierté nationale, de type visite du FMI. Alors et seulement à ce moment les perceptions pourront évoluer et on pourra peut-être rentrer dans une nouvelle logique favorable à des politiques publiques moins coûteuses.« 

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