Jacques Bompard, est député du Vaucluse. Nous lui avons posé quelques questions sur la formidable mobilisation de l’année passée, la liberté de conscience des maires.

 

 1) Que retenez-vous de l’énorme mobilisation de ces derniers mois contre la loi Taubira ?

L’émergence d’une génération militante. Ces milliers de jeunes, qui ont passé six mois de leur vie dans les rues à manifester, sur les pelouses à veiller, ou dans des arrières salles de café à préparer les prochaines actions, ont su inventer de nouveaux modes d’action : Veilleurs, Sentinelles, Hommen, banderoles sur les toits du Parti socialiste ou dans l’Assemblée… Ils ont créé leurs propres codes, certes bien différents de ceux que nous utilisions au début des années 60, mais adaptés à leur époque. Cette année militante aura permis de faire émerger les plus hardis, les plus imaginatifs, les plus courageux d’entre eux. Je parie que lorsque cette génération sera aux commandes, que ce soit dans l’entreprise ou en politique, elle se souviendra des risques pris ensemble lors d’actions osées et des heures passées à croupir dans les geôles de Manuel Valls.

 

2) Dans sa manière de réagir, n’avez-vous pas senti que le gouvernement était dépassé par une mobilisation qu’il n’avait pas prévu ?

Le 18 avril dernier, lors de l’examen en seconde lecture à l’Assemblée nationale de la loi Taubira, je félicitais, sous les huées de la gauche, le gouvernement pour le miracle qu’il venait de réaliser. Ayant été moi-même un militant ardent dans mes années lycéennes et étudiantes, je ne pensais pas que la jeunesse actuelle pût se réveiller. Les socialistes ont pourtant réveillé cette belle jeunesse de France en la mobilisant contre eux. Le mariage homosexuel a servi de catalyseur, mais tous ces jeunes étaient dans la rue pour bien plus que cela. Ils se sont réappropriés leur avenir, ils ont pris conscience qu’ils avaient un rôle politique à jouer pour défendre leur civilisation. La génération du Printemps Français est une nouvelle génération militante qui s’est levée pour défendre un corpus de valeurs piétinées depuis plus de cinquante ans. Elle n’est pas descendue dans la rue pour défendre son niveau de vie, ou des avantages acquis. C’est pour cela que le dialogue était impossible avec cette gauche matérialiste qui croit qu’il suffit d’abreuver le peuple de pain et de jeux pour le calmer.

 

3) Vous, comme votre femme, vous êtes-vous sentis soutenus lors de votre refus de marier un couple d’homosexuels ?

Oui, tout à fait. Nous avons reçu des centaines de courriers de soutien et d’appels. Dans les rues d’Orange et de Bollène ou quand nous sommes sur les marchés, la grande majorité des habitants nous assurent de leur soutien. Ils nous avouent être scandalisés par le traitement médiatique dont nous avons été l’objet. A Bollène, c’était la curée, la meute était lâchée ! Les associations de maires opposés à la loi Taubira ont tout de suite contacté le maire de Bollène pour lui proposer leur aide. Bien sûr, nous aurions aimé un soutien un peu moins discret de certaines associations, mais je retiendrai uniquement le grand soutien populaire dont nous avons fait l’objet.

 

4)  Quelles sont les actions en cours pour obtenir la liberté de conscience pour les maires ?

Une très large majorité de Français sont favorables à la liberté de conscience pour les maires. Cette liberté de conscience existe déjà pour certaines professions. Par exemple, certains militaires se réclament de la liberté de conscience pour ne pas aller combattre en Afghanistan… en raison de leurs convictions religieuses. Là encore, c’est deux poids deux mesures.

J’ai signé cet été une pétition pour la défense de la liberté de conscience des maires, lancée par La Manif Pour Tous, qui a recueilli plus de 86.000 signatures. J’ai également signé un mémoire en intervention, initié par le collectif des Maires pour l’enfance, qui a été transmis au Conseil d’état pour obtenir l’annulation de la circulaire Valls qui prévoit des sanctions lourdes contre les maires qui feraient usage de leur liberté de conscience. Le Conseil d’état s’est prononcé en notre faveur et a  déposé une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel devrait se prononcer le 8 octobre.

 

5) Une toute dernière question, le Figaro a évoqué un incident lors du conseil municipal d’Orange où vous avez appelé la police contre une élue de l’opposition, que s’est-il réellement passé ?

Le problème avec cette élue n’est pas son opposition mais son comportement. Depuis plus de dix ans, elle se signale à presque chaque conseil par son impossibilité quasi-physique à respecter les usages d’une assemblée démocratique. Incapacité à ne pas soliloquer à l’infini, incapacité à écouter une réponse sans soupirer bruyamment, commenter à haute voix, interrompre l’orateur en cours. Recherche presque maladive de l’incident de séance afin d’obtenir les faveurs des photographes de presse. Ce constat n’est pas seulement le mien. Il est partagé, souvent en privé, parfois en public, par d’autres élus d’opposition, de gauche comme de droite.

Lors de cette fameuse séance, cette opposante était au mieux de sa forme. J’ai donc demandé un vote de l’assemblée pour obtenir son exclusion. C’est là une procédure grave. Je ne m’amuse pas à l’appliquer à l’opposition. Seule cette élue me contraint à ce genre de recours. Lors de ce vote, cette élue n’a pas eu le soutien des socialistes. C’est quand même significatif. Puis, suite au vote, j’ai voulu lui donner une dernière chance. Bien mal m’en a pris. Son comportement n’a pas varié. On touche là aux limites de l’exercice républicain quand on a, en face de soi, des personnes qui n’en respectent pas les fondements.

 

 

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